Michel Onfray a séjourné à l'abbaye de la Trappe, dans le Perche, où l'abbé de Rancé, auquel Chateaubriand a consacré sa dernière oeuvre, a refondé la règle très stricte de cet ordre à la fin du XVIIe siècle. Le but cette retraite était de retrouver l'esprit de ce personnage étonnant, qui vécut une première partie de sa vie dans le luxe et le libertinage, puis trente-quatre ans à la Trappe dans une forme d'existence qui se voulait une préfiguration de la mort. Michel Onfray interroge l'étrange relation à la mort et à Dieu qui motive, encore aujourd'hui, le retrait du monde et l'extrême sévérité de la discipline que s'imposent les moines trappistes. L'abbé de Rancé a vécu un deuil marquant : celui de sa maîtresse, la duchesse de Montbazon, grande libertine morte à l'âge de quarante-cinq ans. Bien des légendes courent autour de cet épisode, rapportées par Chateaubriand et par les chroniqueurs de la Trappe. Ce qui est certain, c'est que l'abbé a rompu brutalement avec ses pratiques hédonistes, s'est dépouillé de tous ses biens et a refondé l'ordre des Trappistes sur une règle d'une dureté inouïe : mortifications permanentes, absence d'hygiène, de soins médicaux, du moindre confort de vie, de chauffage l'hiver et de vêtements chauds, etc., règle qui a conduit à une mortalité importante chez les moines.
Ce texte, d'une vitalité impressionnante, amène également Michel Onfray à évoquer, dans des passages particulièrement forts et d'une grande beauté, ses propres deuils, celui de son père et celui de sa compagne, comparant les effets de la perte sur sa vie d'athée convaincu et sur celle d'un croyant forcené comme Rancé.